L’âge d’or des sciences arabes
L’âge d’or des sciences arabes

L’islam, une population de plus d’un milliard de personnes dont la civilisation a brillé pendant près de 10 siècles, s’étendant des contreforts des Pyrénées aux confins de l’Asie.

Issus des Mésopotamiens, des Grecs, des Byzantins, des Perses, des Indiens, les Arabes ont constitué un relais entre l’Antiquité et la Renaissance, en produisant un savoir intellectuel, artistique et scientifique inégalé en une seule langue : l’arabe.

Or, l’histoire occidentale a longtemps occulté ou réduit ce qu’elle devait à la science arabe, mais celle-ci apparaît désormais comme un chaînon indispensable dans l’histoire universelle des sciences.

Des contributions considérables

Tous les héritages scientifiques de la Grèce, de l’Inde, de la Perse et de la Mésopotamie ont été étudiés, assimilés et appropriés par la civilisation arabo-musulmane, qui les a, à son tour, perfectionnés. Cette éclosion scientifique puissante et multiforme a considérablement enrichi des matières aussi diverses que la médecine, la géométrie, l’astronomie ou la mécanique.

Symbole de cet âge d’or, les mathématiques connurent un essor formidable. Non content d’instaurer le système de numérotation de un à neuf, encore utilisé aujourd’hui, d’investir le zéro du statut de nombre, les arabes créèrent deux nouvelles disciplines, l’algèbre et la trigonométrie. Accordant également une importance capitale aux astres, ils conçurent le plus vieil outil pédagogique de l’astronomie : le globe céleste. Sur terre, comme leur religion exigeait de connaître la position de La Mecque, ils s’ingénièrent à améliorer la cartographie et inventèrent les premiers instruments permettant de se repérer dans l’espace.

Ce que les savants de l’époque appelaient « science des procédés ingénieux » étudiait les techniques permettant d’exploiter les énergies naturelles, telles que l’hydraulique ou l’éolienne, ainsi que leur prolongements mécaniques, comme l’irrigation, les moulins ou les systèmes de levage. S’intéressant aussi à la chimie, ils utilisèrent leurs résultats pour de multiples domaines de la vie quotidienne, comme la confection de fards, de cosmétiques, de médicaments, de colorants ou de teintures. Ils cherchèrent par ailleurs à améliorer le quotidien du peuple, en investissant les champs de la médecine, qui connue des améliorations substantielles, de l’hygiène et même de la diététique. Les pratiques chirurgicales furent étudiées, les structures hospitalières se développèrent, tandis que les savants se penchèrent sur la botanique, la pharmacopée, la zoologie et l’art vétérinaire.

L’apogée des sciences arabes

Entre le VIIIe et le XVe siècle, une communauté linguistique vit son apogée des contreforts des Pyrénées à Samarkand. Avicenne, Averroès, Rhazès, Alhazen et bien d’autres savants, d’origines régionales et religieuses fort diverses, soufflent de concert des lumières si éclatantes qu’il suffit, encore aujourd’hui, de simplement les rappeler pour démontrer que l’islam fanatique n’est qu’un obscurantisme. Quelques-uns s’en chargent aujourd’hui, ils sont encore trop rares. Tel Ahmed Djebbar, le commissaire scientifique de l’exposition.

Ce mathématicien et historien des sciences, enseignant à l’université de Lille, fut, en Algérie, ministre de l’Education et de la Recherche et conseiller du président Mohammed Boudiaf, assassiné en 1992.

Cheville ouvrière d’un trop bref moment d’espoir durant la guerre civile qui a ensanglanté ce pays, il est l’exemple du parfait honnête homme, puits de science et d’enthousiasme. Par sa voix on entend celle des grands sages encyclopédistes de l’âge d’or tels Abou el Rihan al-Bayrouni, un génie qui savait à peu près tout ce que l’on savait à son époque (vers 973-1048), qui calcula le diamètre de la Terre sans erreur et discuta même de la possibilité qu’elle tourne bien avant Galilée.

«Un mouvement de progrès irrésistible»

Passionné, le geste méditerranéen, Ahmed Djebbar s’enflamme lorsqu’il raconte ces siècles sous-estimés de tolérance et de liberté de pensée. «Le génie des musulmans est de ne rejeter aucun savoir, résume-t-il. Dans les premiers temps de leur grandeur, ils ont commencé, élèves admiratifs et révérencieux, à traduire pendant cent cinquante ans des milliers d’ouvrages des maîtres grecs mais aussi indiens, latins, chinois, hébreux, mésopotamiens. Puis ils ne se sont pas arrêtés là. Non contents de propager le savoir, ils ont innové dans un mouvement de progrès irrésistible qui nous mène jusqu’à la Renaissance.» Tant il est vrai que la temporalité du savoir et de l’intelligence est autre que celle des guerres et de la politique.

Grandeur et décadence d’une civilisation

Après une période de conquêtes et de consolidation politique du nouvel empire, la civilisation arabo-musulmane s’est retrouvée dans une phase de prospérité matérielle et intellectuelle tout à fait exceptionnelle. L’ampleur de son territoire et l’utilisation d’une langue commune favorisa les échanges marchands et culturels, tandis que son unité géopolitique permit une stabilité propice à la recherche scientifique, et que sa richesse encouragea le développement du mécénat.

Mais surtout, et peut-être avant tout, les élites de cette civilisation gardèrent un lien étroit avec les savoirs anciens, soit par la conservation des livres, soit par la perpétuation d’enseignements ou de pratiques savantes. Ce fut donc une véritable tradition scientifique qui se mit en place dans un empire où la liberté de pensée et l’esprit de tolérance furent sans cesse soutenus et encouragés.

L’attitude culturelle de l’époque considérait d’ailleurs « la pratique scientifique comme un complément pour des sociétés ayant déjà réglé leurs problèmes matériels », explique Ahmed Djebbar, « et à leurs yeux, les pays latins de l’époque n’avaient pas atteint le niveau de civilisation qui les aurait amenés naturellement à s’occuper de science ».

Le prophète Mohammed (PBSL) vécu de 610 à 632, marquant l’année zéro des Musulmans, et fut suivi de plus de six siècles d’épanouissement intellectuel, social, scientifique et culturel. C’est seulement à partir du XVème siècle que le processus de déclin de l’activité scientifique arabe s’enclencha, tandis que les Européens commençaient à assimiler leur héritage avec les premières traductions latines.

La naissance de l’Islam fut en réalité un fer de lance de la modernité, accompagnée d’un esprit d’ouverture et d’une grande tolérance. Celle qui fut la civilisation du progrès, des recherches scientifiques, de l’épanouissement culturel, de la curiosité intellectuelle et de la liberté de pensée n’est-elle plus qu’un rêve, un mirage enfoui sous les tempêtes de sable ? L’Institut du Monde Arabe, en tout cas, déterre cette icône du passé et remet les instruments d’appréciation en adéquation avec l’histoire. Peut-être elle-même est-elle interpellée par l’intelligence et l’audace de ses origines ?

Découvrez Exposition L’âge d’or des Sciences Arabes à l’Institut du monde arabe

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